mardi, septembre 19, 2006

Episode V : La fin du début

La fin est proche. Chaque ligne de ce texte nous approche d’un irrémédiable dénouement. Revenons donc sur les dernières semaines.

Peu d’excursions fantastiques et d’exploits sportifs à relater. Mis à part un week-end du 15 août dans la petite bourgade de Baptiste qui prit davantage des allures de championnat de belote de comptoir du café des sports de Brioud-en-Cantal que de randonnée épique ; nos amis ne se permirent plus vraiment de sortie audacieuse. Leur professionnalisme les contraint en effet à se dévouer corps et âme à leur mission première, leur stage de fin d’étude.

Loin d’oublier cependant les objectifs secondaires de leur séjour en Haïti, nos compagnons profitèrent de ces six dernières semaines à Port-au-Prince pour faire la fête et se délecter des charmes haïtiens. C’est ainsi que nos potaches adorés furent amenés à vivre l’expérience mystique ultime : RAM.

Il est difficile d’exprimer ce que peut être le RAM. Sous les allures d’un groupe de world music, se cache un instrument mystique puissant, une porte d’entrée dimensionnelle vers le monde des loas et la magie vaudou. Plus qu’un groupe, le RAM est un concept, l’harmonie vibratoire qui unit les éléments du vivant et conjugue en une parfaite symbiose l’ensemble des ses unités spirituelles.
Bref, le RAM est un groupe de rock vaudou, savant mélange de musique traditionnelle haïtienne et d’instruments modernes, saupoudré de funk, de jazz, d’afrobeat, de high life africain… Un mélange détonnant à vous défriser la barbe du plus blasé des soixante huitards parisiens.
Mais le RAM c’est aussi un cadre somptueux. Le groupe se produit en effet tous les jeudis à l’hôtel Olofson. L’établissement est une vieille Ginger Bread (maison typique en bois) un peu déglinguée. L’hôtel est plein de références artistiques vaudous et les chambres portent le nom de ses illustres visiteurs : Mick Jagger, Graham Green, Jean-Claude Vandamme… Sous la patine du temps et les craquements du bois tordu, l'Olofson livre son charme pittoresque...

Six semaines durant, nos compagnons assisteront avec religiosité et fascination à cette communion mystico-musicale. Fabiàn deviendra même, le temps d’une ode à Erzuli, le « 13ème RAM ». Appelé à monter sur scène par le flegmatique Richard Morse, leader historique du groupe, Fabiàn prend le micro et entonne le chant d’incantation récemment appris. La foule l’accompagne et porte vers les cieux l’appel mystique. « pa manjé anana, pa fumé cigarettes, pa manjé cocoyé, komen lajan fe’m manké ?»… Fabiàn se tourne vers Richard Morse qui lui exprime son approbation d’un lever de pouce nonchalant.

La magie a opéré, la foule est enchantée ; Erzuli répand parmi eux ses bienfaits et l’expérience mystique se prolonge jusqu’à la transe à grand renfort de Prestige, winner of the world beer cup 2002. Prises de convulsions, des jeunes femmes tombent sur le sol, les yeux révulsés, l’écume à la bouche. Les danseurs se precipitent et gesticulent au dessus des corps désarticulés. Entrez dans la transe ! Voyez comme on danse ! Ici pas besoin de psychotropes hallucinogènes, vous êtes aux portes de la perception. Rock and roots will never die...

C’est à peine remis de leur délirante soirée que nos jeunes vodouisants en herbe reprennent le travail, la tête encore embrumée par la folie de la veille. Les jours s’égrènent et l’échéance du départ se rapproche à grand pas… Les concerts de RAM viennent rythmer cette vie port-au-princienne qui ne manque pas de charme. Ernesto vient saboter le seul week-end à Furcy que nos amis avaient prévu.

Le GRET Haïti redouble d’activité. Les préservatifs pleuvent dans les quartiers populaires. Le quartier de Trou Sable organise sa finale, sponsorisée par la lutte contre le SIDA. Cela donne à nos amis l’occasion, de passer un après-midi mémorable sur le terrain de football du quartier. La partie est extrêmement disputée, aucune des deux équipes ne parvient à mettre le ballon au fond des buts minuscules. Les tirs aux buts approchent. L’équipe orange triomphe et la foule envahit le terrain. C’est la cohue, on s’engueule un peu dans tous les coins, à la mode haïtienne…

Arrive la dernière semaine, dénouement du stage de nos deux compères puisqu’ils doivent présenter les conclusions de leur étude à toute l’équipe GRET et CAMEP. Le débat est sulfureux, mais heureusement, la collation vient à point pour détendre l’atmosphère. On trinque tous au proche départ de nos compagnons, certainement appelés à revenir car comme le dit Ledu « Haïti est un pays que l’on ne quitte jamais vraiment ». L’émotion est à son comble lorsque Mirlande, officieusement élue miss GRET par ses collègues masculins, remet des cadeaux d’adieux à nos champions. Ces cadeaux totalement intransportables (range cd d’un mètre de haut) viennent compléter la cargaison d’artisanat haïtien que nos amis ont acquis la veille. Estimant la charge sentimentale de ces objets bien supérieure à leur masse physique pour le moins conséquente ; nos amis prennent la décision de défier les restrictions d’air France. Avec méticulosité, ils passeront des heures à optimiser leur empaquetage.

Nous voici donc rendus à l’heure des adieux. Epreuve difficilement soutenable, nous prendrons ici le parti de la pudeur. Rassurez-vous lecteurs, en sachant qu’ils furent dignement fêtés. Le groupe Shainam (ou quelque chose du style) viendra en personne animer la kay de passage au rythme des percussions racine. L’espace d’un soir, la maison des VP devient un sanctuaire vaudou où résonnent cornets et tambours. La lumière vacillante des chandelles projette les ombres tremblantes des danseurs envoûtés... Le virus d’Haïti reprend de la vigueur…

La fête se prolongera le lendemain de cette soirée mémorable. La dernière soirée de nos amis en Haïti tombe un jeudi soir… Et jeudi soir, comme vous l’aurez tous compris : c’est RAM ! Les « fanatiques RAM » ne manqueront pas cette dernière occasion de faire la chenille derrière Richard Morse. Mais soudain, c’est le drame : Julien et Mathieu sont victimes d’une panne de voiture et ne peuvent se rendre à la fête. Heureusement, ce n’est pas le cas de tout le monde. Malgré l’absence de ses collègues, Fabiàn passe une soirée plus qu’agréable et en tout aussi bonne compagnie. La fête se poursuit jusqu’au bout de la nuit et c’est avec des yeux engourdis de sommeil que nos amis voient poindre leur dernier jour en Haïti.

La précipitation du départ et le manque de lucidité ne leur laissent pas le temps de tergiverser. Après avoir fait les derniers adieux, Ledu les conduit à l’aéroport Toussaint Louverture où ils doivent prendre l’avionnette qui les conduit à Saint-Domingue. Avec une émotion certaine, ils voient les toits de Port-au-Prince rapetisser…

Une nuit réparatrice à l’hôtel Beaterio remet nos amis d’aplomb. Avant de prendre le vol de retour le soir, ils visitent la très belle zone coloniale de Saint-Domingue. Ils se délectent de retrouver un patrimoine culturel conservé et s’en mettent plein les mirettes. Julien en profite d’ailleurs pour attraper ses derniers coups de soleil… Le soir arrive, taxi pour l’aéroport, Julien y égare son téléphone… On passe la douane, Julien doit vider sa trousse de toilette…

Voilà cher lecteur. Nul besoin d’en compter plus. Nul besoin de se perdre en d’inutiles paroles. Sache pardonner l’incompétence du narrateur pseudo-omniscient, car bien malin qui prétendra connaître ce qu’ils sauront garder d’Haïti. Un range CD artisanal? Une horloge en feuille de bananier ? Vingt kilos de ferraille ? Du rhum Barbancourt ? Une seule chose dont nous soyons sûrs : anpil zanmi et des tonnes de rire en tranche ! Alors, ayons confiance en la prophétie de Ledu et gageons que ces aventures que vous avez suivies avec passion ne sont que le premier épisode d’une longue série…

Une page de leur vie se tourne. Le genre de page qu’on marque d’un petit post-it…

To be continued…

mercredi, août 02, 2006

Randonnée Furcy-Seguin (3/3)


Les chaussures de marche de Blandine...
Bagay Mystique
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mardi, août 01, 2006

Randonnée Furcy Seguin (2/3)




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Randonnée Furcy-Seguin (1/3)




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Episode IV : Le virus d'Haïti

Après trois longues semaines d’absence, revoici, pour toi, cher lecteur assidu, la suite de ces aventures tropicales.

Comment faire tenir en si peu de lignes le récit extraordinaire de ces trois dernières semaines ?

Commençons par le dîner du 14 juillet à l’ambassade de France. Malgré l’absence remarquée de Ferrero Rochers, la réception fut une réussite. Monsieur l’ambassadeur n’avait pas lésiné sur les moyens pour fêter nos deux héros : fromage made in france, vin pas chilien, champagne à volonté… Tout cela dans le cadre très luxueux de la maison de l’ambassadeur, une des plus grosses propriétés de la ville, ça fait plaisir de voir que nos impôts servent à quelque chose d’utile. La soirée se passe bien, chacun y va de son petit discours. Monsieur l’ambassadeur congratule nos jeunes aventuriers pour leurs services rendus à la nation, ils dédicacent des t-shirt à leur effigie pour les enfants. Il règne un parfum de Jet Set dans l’assemblée, petit four, piscine et surtout une magnifique sculpture en jambon. Le traiteur a en effet eu le très bon gout de constituer une robe de mariée en tranches de jambon à une petite poupée en plastique. Un petit diadème en pelure d’oignon rend le résultat d’autant plus appétissant.

A part ce détail kitch, le bon goût et la classe sont de rigueur. Nos jeunes amis font la fermeture de la réception, un peu poussés vers la sortie par les gardes du corps pressés d’aller se coucher.

Deux longues semaines à Port-au-Prince suivront cette soirée endiablée. C’est l’occasion pour Fabiàn et Julien de découvrir les charmes de Port-au-Prince. Un événement majeur à signaler toutefois : la première soirée Konpa…

Il y a des gens qui restent des années en Haïti, et à première vue il est difficile de comprendre ce qui les retient aussi longtemps. Il s’agit en fait d’une maladie terriblement contagieuse, et qui frappe sans prévenir : le virus d’Haïti. Un des modes de transmission privilégié de ce virus est la soirée Konpa. Le Konpa est une sorte de zouk très lent. C’est la musique typique d’Haïti. A l’instar des autres danses latines, tout est dans la hanche. Les plus brillants représentants de ce style sont Djakout Mizik, Mass Konpa, Kreyol la… Il est difficile à l’auditeur non averti de ne pas se laisser gagner peu à peu par le rythme. La cadence lancinante envahit progressivement le corps, d’abord par les jambes puis remonte doucement jusqu’au cerveau. L’individu atteint réalise alors qu’il est en train de se balancer, mais il est déjà trop tard, le mal est fait, le virus a entamé sa lente incubation.

Le corps inhabitué de nos amis ne résistera pas bien longtemps aux rythmes infernaux de Djakout Mizik. Pris de fièvre, ils sautent avec la foule, crient, dansent, chantent. Puis la température rechute d’un coup : une panne d’électricité met fin prématurément au concert et la foule dépitée est obligée de quitter l’esplanade. Mais il est trop tard, le mal est fait, la maladie est en eux. Il n’y a pas de sérum, pas de vaccin et la crise de fièvre peut frapper à tout moment…

Remis de ces émotions, nos amis retournent au travail avec enthousiasme. Un petit plaisantin vient chaparder le transformateur de leur ‘Kay’, ce qui les prive d’électricité et d’eau pour une semaine. Ils redécouvrent les plaisirs d’une vie simple et naturelle en plein cœur de la grande métropole. Mais Fabiàn et Julien ne sont pas en reste : cette période d’apparente oisiveté n’est en fait qu’une phase de préparation à la plus grande expédition jamais tentée pas nos héros en Haïti : le Furcy-Seguin-Furcy (1800m d'altitude environ). Le beau Louis-Marie que nous vous avions présenté précédemment avait ouvert la voie du Furcy-Seguin. La folle équipée 100% GRET se lance donc à l’assaut de la montagne haïtienne. Les courageux ‘Cabrits intrépides’ répondent au nom de Mathieu Maurette (dont la devise : ‘rien ne Maurette !’ résume toute la psychologie…), Flo (l’amie de Monsieur), Blandine (la colloc) et bien évidement nos deux compères. Arrivés vendredi au soir, nos amis prennent des forces en s’envoyant une tartiflette dans le chalet de Gérard, volontaire français qui œuvre au reboisement de la zone de Furcy. Il fait frais, presque froid, douce sensation oubliée depuis belle lurette. Le lendemain, lever aux aurores, l’aventure commence.

La marche est longue mais magnifique, le virus d’Haïti refait des petites poussées au détour du sentier tortueux. Le paysage est grandiose, laissons les photos parler d’elles mêmes. Le trafic humain (entièrement à pied) sur la route reliant Furcy à Seguin est impressionnant, beaucoup de monde emprunte cette route de montagne. Les mamas gravissent à l’aise les pentes, malgré les kilos de légumes qu’elles portent sur la tête. Tout les cinq mètres, les autochtones invitent nos à amis à une modeste coopération financière, mais s’acquittent tout de même d’un petit ‘bonjou’ tout mignon qui met du baume au cœur. Il faudra cinq heures environ pour rallier la forêt de pins. Improbable forêt, au sommet d’un col qui rappelle plus les landes françaises que la côte tropicale haïtienne. Encore une heure de traversée à travers la forêt et ils parviennent à l’auberge de la visite, où ils sont attendus. Un bon repas ainsi qu’une bonne douche chaude les attendent. Ils gagnent leur tente de bonne heure, et s’endorment tôt afin de reconstituer les forces nécessaires au retour.

Après un bon petit déjeuner, ils prennent la route avec l’idée de réaliser un record : passer sous la barre des cinq heures. Ils retraversent la mystique forêt des pins, certainement un lieu de pratiques vaudous d’après Mathieu. La descente vertigineuse commence alors. Les petits ‘cabrits intrépides’ se lancent à tout allure dans la pente, sous les regards désabusés des Haïtiens qui ont fini de les prendre pour des fous. Blandine à l’arrière tente de recomposer sa semelle. En effet, petit détail tragico-comique du week-end, ses chaussures de marche ont entamé un processus d’autodestruction spontanée inexplicable, une sorte de ‘lèpre’ des chaussures qui entraîne la désintégration progressive de ses semelles. Mais cette petite contrariété ne l’empêchera pas de finir la marche et à la force des mollets, elle avale courageusement les kilomètres de montée abrupte.

5h30, c’est le temps à l’arrivée, record battu si l’on retranche le temps passé pour le déjeuner. Un nouvel exploit à mettre au compte des ‘cabrits intrépides’. Cette petite mise en jambe devrait prochainement les conduire à l’ascension du Pic de la Selle, plus haut sommet de l’île (2800 m quand même).

Après ce bon défouloir et pleins d’hématocrites, nos amis peuvent reprendre la semaine en toute sérénité. Quelle nouvelle aventure incroyable les attend ? Vous le saurez en le lisant le prochain épisode des AVENTURES DE FABIAN ET JULIEN EN HAITI !